La restitution des travaux du CNR Logement a été présentée le 5 juin dernier par Elisabeth Borne. Les mesures annoncées n’ont contenté personne : des acteurs de l’immobilier aux professionnels du bâtiment, tous partagent un large sentiment d’amertume.
Sous la pression de tout un secteur au bord de l’explosion, le ministre de l’Économie Bruno Lemaire a partagé les pistes du gouvernement pour relancer l’immobilier. En effet, les taux de crédit n’en finissent plus d’augmenter, le marché du neuf est au point mort et le volume de transaction est en baisse. Selon les notaires, il devrait repasser sous la barre symbolique du million de transactions annuelles.
Cette annonce est-elle un énième coup d’épée dans l’eau de la part du gouvernement ? Ou a-t-elle le potentiel pour sortir de la crise immobilière actuelle ? Décryptage.
Quelles sont les propositions de Bruno Lemaire pour sortir de la crise immobilière ?
Les propositions du ministre de l’Économie sont des pistes de réflexion de la part du gouvernement et ne sont, pour l’heure, qu’à l’état de scénario. Même dans l’imaginaire de Bruno Lemaire, ces propositions sont-elles suffisamment ambitieuses face à l’enjeu ?
Réformer le barème du prêt à taux zéro (PTZ)
Le prêt à taux zéro est un prêt sans intérêt d’emprunt octroyé par l’État. Il est accessible sous conditions de ressources pour compléter un financement bancaire lors de l’acquisition de la résidence principale du ménage. Il peut s’agir d’un :
- logement ancien
- logement neuf
- bien à construire
- local transformé en bien d’habitation
Pour en bénéficier, le bien concerné doit être situé en zone B2 ou C. Son montant peut représenter jusqu’à 40 % du coût total de l’opération (TTC).
Dans le contexte de hausse des taux de crédit (plus de 4 % sur 20 ans), le marché de la transaction est grippé avec un volume en baisse de 12,6 %. Pour favoriser les acquisitions, Bruno Lemaire souhaite réviser le barème du PTZ afin de faciliter l’accès au crédit pour les primo-accédants.
Pour l’heure, aucun détail n’a été donné sur les nouveaux barèmes envisagés.
Défiscaliser les logements vacants pour stimuler l’offre
En 2022, 3,1 millions de logements vacants ont été recensés en France, soit 8,3 % du parc.
Pour Bercy, cela contribue directement à la tension immobilière dans certaines zones géographiques. Dans le viseur ? Les locations en meublé de tourisme (type AirbnB, Abritel…) ainsi que les résidences secondaires (10 % du parc français) notamment dans les stations balnéaires.
Pour inciter les propriétaires à mettre en vente ces biens inoccupés tout ou partie de l’année, la révision de l’imposition sur les plus-values serait à l’étude.
En résidence secondaire, les propriétaires sont exonérés de la plus-value en cas de vente après 22 ans de détention. Pour réguler la tension immobilière dès 2024, une réforme est nécessaire dès maintenant. C’est d’ailleurs ce qu’avait déjà proposé le député de la majorité Daniel Labaronne avant la présentation de la loi de finances de septembre.
Rehausser le taux d’endettement maximal pour emprunter
Actuellement, les établissements bancaires ne peuvent prêter :
- au-delà de 25 ans
- avec un taux d’endettement supérieur à 35 % des revenus de l’emprunteur
D’un point de vue personnel, Bruno Lemaire estime que ces conditions sont trop strictes et freinent la production de crédits immobiliers.
Les velléités du ministre de l’Économie ont été balayées d’un revers de main par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). L’instance juge que les banques ne jouent pas le jeu et pourraient accorder bien plus de crédits immobiliers qu’actuellement.
En effet, la règle actuelle leur permet de déroger au taux de 35 % d’endettement pour 20 % de leur production de crédit par trimestre. Cette flexibilité n’est utilisée que pour 13,8 % des crédits selon l’HSCF.
Créer un prêt intermédiaire
Pour relancer le pouvoir d’achat immobilier des ménages, Bruno Lemaire souhaite remettre au goût du jour un prêt intermédiaire. Ce type de prêt existait déjà dans les années 70 et proposait un taux 50 % inférieur grâce au concours de l’État. Ce dernier prenait en charge la différence pour faciliter l’accès à la propriété pour un grand nombre de ménages.
Reporter l’interdiction de location des passoires thermiques
Depuis le 1er janvier 2023, le critère de décence d’un logement prend en compte sa performance énergétique et climatique. Depuis cette date, les logements classés G au DPE avec une consommation d’énergie supérieure à 450 kWh/an/m2 sont interdits à la location.
Cette interdiction sera étendue :
- à tous les logements classés G à partir du 1er janvier 2025
- à l’ensemble des biens classés F à partir du 1er janvier 2028
- aux logements classés E dès le 1er janvier 2034
Pour Bruno Lemaire, ce calendrier pourrait aggraver la pénurie de logements à la location. Ne pouvant plus emprunter, les candidats acquéreurs restent locataires, ce qui limite le taux de rotation et grippe le marché locatif.
Quelles sont les préconisations des professionnels du secteur ?
Aux premières loges de cette crise, le Conseil supérieur du notariat a présenté des propositions pour réformer en profondeur le secteur immobilier. Pour lui, la priorité consiste à :
- massifier la délivrance des permis de construire via le recours au processus de concertation
- limiter le rôle du cahier des charges des lotissements à la simple fixation des règles de vie. Actuellement ces documents peuvent comporter des dispositions qui entravent les projets de construction
- rendre attractif et uniformiser le régime de bailleur : loueur professionnel ou particulier
- maintenir la décote accordée lors de l’acquisition d’un logement social, y compris après la première revente afin de rester en dessous du prix de marché
- permettre la vente en viager dans le cadre familial
- faciliter la rénovation énergétique des logements en copropriété
Alexandre Lamarche – Groupe Serenity