Vivre à la campagne, se rapprocher de la nature, avoir plus d’espace, voilà qui séduit de plus en plus de Français qui se détournent des grandes agglomérations. Mais lorsque vie champêtre rime avec nuisances agricoles, cela peut conduire au litige. En 2020, la Cour de cassation a donné raison à un couple qui venait d’acquérir un logement près d’un élevage. Plus récemment, le Parlement a adopté la loi sur « le patrimoine sensoriel des campagnes » qui précise quelles nuisances peuvent constituer un vice caché et justifier l’annulation d’une vente immobilière.
Quand l’environnement rural constitue un trouble du voisinage
Début avril, Que choisir revenait sur un arrêt rendu par la Cour de cassation en janvier 2020, en faveur d’un couple qui venait de faire l’acquisition d’un bien immobilier. Celui-ci dénonçait les nuisances générées par un élevage de poules situé dans la commune voisine. Mauvaises odeurs et prolifération de mouches leur rendaient la vie difficile depuis leur achat. Outre l’inconfort manifeste, les nouveaux propriétaires ont indiqué ne pas avoir été informés de l’autorisation d’agrandissement qui avait été accordée à l’usine peu de temps avant la vente.
La Cour de cassation a donné raison au couple, estimant que les nuisances constituaient un vice caché. Les précédents propriétaires étaient déjà incommodés par l’usine classée et pourtant rien n’était stipulé à ce sujet dans l’acte de vente. Dès lors, ces troubles anormaux du voisinage ont été retenus comme motif d’annulation de la vente immobilière. S’ils avaient été informés de ces éléments, qui avaient d’ailleurs fait l’objet d’une enquête publique, les acquéreurs auraient en effet probablement renoncé à l’achat. C’est donc la question du consentement qui est au cœur de cette décision.
La loi sur « le patrimoine sensoriel des campagnes » a été adoptée
Si le jugement évoqué pourrait bien faire jurisprudence, le parlement a quant à lui récemment adopté la loi sur « le patrimoine sensoriel des campagnes » qui rappelle toutefois que tous les bruits et odeurs de la campagne ne justifient pas un dépôt de plainte. Cette loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021, qui complète le Code de l’environnement, indique par exemple que ce qui peut représenter des nuisances pour certains, constitue en réalité « des bruits ou odeurs estimés « normaux » en territoire rural. C’est le cas notamment du chant du coq, du carillonnement de certaines cloches ou encore d’odeurs de lisiers », précise Que Choisir. Ajoutons à cela le chant des cigales.
Pour les parlementaires, ces éléments ne revêtent pas un caractère intentionnellement malveillant et ne peuvent donc pas être considérés comme des troubles anormaux du voisinage, qui justifient l’annulation d’une vente immobilière.
Si les désaccords à ce sujet sont nombreux, rappelons par exemple le cas du chant du coq Maurice, qui avait incité un couple de vacanciers sur l’île d’Oléron à porter plainte pour troubles anormaux du voisinage en 2019. Ceux-ci ont été déboutés par le tribunal correctionnel de Rochefort et on même dû verser 1 000 euros de dommages et intérêts à la propriétaire du coq.
Alexandre LAMARCHE – Groupe Serenity