Le marché immobilier connaît une baisse du volume de transaction sans précédent depuis 2015. Sur un an, seulement 928 000 ventes ont été réalisées soit une baisse de 18 % selon le conseil supérieur du notariat.
Les prix demeurent élevés malgré leur stagnation. La baisse annoncée ne s’applique pas de manière uniforme sur tout le territoire. De leurs côtés, les taux d’intérêt se sont envolés, le taux d’usure atteignant 6,29 % en janvier 2024.
Pourtant, ce sont les contraintes financières imposées par la banque de France qui semblent aujourd’hui maintenir le pays dans cette crise immobilière.
Pourquoi la baisse des prix et des taux de crédit ne suffira pas à enrayer cette crise ? Pourquoi les exigences vis-à-vis de l’apport personnel sont-elles si problématiques ?
Décryptage.
Pourquoi la crise immobilière actuelle inquiète les professionnels du secteur ?
La FNAIM dressait un bilan peu reluisant de l’état du marché immobilier à la fin d’année 2023. Le blocage du marché de la transaction a de sévères répercussions sur le marché locatif. Freinés dans leur projet d’accession à la propriété, les candidats acquéreurs restent locataires. Il y a moins de rotation locative et donc moins de biens à louer sur le marché.
L’inflation, les taux d’intérêt et les prix élevés font partie du problème dans l’immobilier ancien. Pour l’immobilier neuf, la situation est encore plus préoccupante. Les promoteurs se retrouvent avec un stock considérable de biens invendus. La demande de logements neufs est en effet au plus bas depuis 2014.
Face à cette situation, l’Etat réagit timidement avec de nouvelles mesures issues du projet de loi de Finances 2024. L’élargissement du prêt à taux zéro ou l’extension du zonage Pinel avant sa fin programmée semblent bien insuffisants par rapport aux enjeux.
Selon Michel Mouillard, ni la baisse des prix amorcée ni la baisse des taux de crédit attendue en 2025 ne suffiront à relancer le marché. Cela pourrait être le cas avec :
- Des mesures pour relancer le pouvoir d’achat des Français via les salaires ;
- Un allégement des conditions d’octroi du crédit au regard de l’apport personnel et du taux d’effort.
Pourquoi la baisse des prix sera insuffisante pour redynamiser le marché immobilier ?
Pour relancer le marché immobilier, il faudait une baisse des prix comprise entre 20 et 30 % selon Stéphane Fritz, président du réseau d’agence Guy Hoquet. Selon les observateurs, nous serons bien loin de cette valeur avec une baisse attendue de 4 % en 2024.
Cela ne suffira pas à resolvabiliser les ménages qui ont perdu près de 7 m2 de pouvoir d’achat immobilier depuis 1 an. Comment parvenir à relancer le marché si ce n’est en prenant des mesures gouvernementales fortes ?
Dans l’immobilier neuf, la principale cause avancée pour expliquer le gel de la demande concerne l’augmentation des prix. Il est vrai que les prix connaissent une hausse constante depuis 2019, aussi bien dans la promotion immobilière que la construction de maisons individuelles.
Cela est dû à plusieurs facteurs :
- La pénurie de matières premières liées à la crise sanitaire ;
- La hausse des coûts de production ( + 18,9 % entre octobre 2023 et octobre 2019) ;
- Le renforcement de la réglementation thermique (la RE 2020 implique des surcoûts de 8 %) ;
- La raréfaction du foncier disponible et les difficultés d’obtention des permis de construire.
Pour répondre à cette envolée des prix, aucun dispositif financier n’a été mis en place. En conséquence, comment envisager que la baisse des prix soit suffisante pour ne plus faire peser le poids de la crise sur les acquéreurs ?
La hausse des taux de crédit, seul responsable de la crise ?
Après avoir été à un peu plus de 1 % en janvier 2022, le taux de crédit immobilier atteignait près de 4 % en novembre 2023. Selon les prévisions, les taux devraient stagner en 2024 avant d’enfin redescendre à 2,1 % en 2025.
Poussés par la hausse du taux de refinancement de la Banque centrale Européenne (BCE), les établissements bancaires ont du la répercuter sur le taux des crédits. Cette augmentation de 2 % s’ajoute à la hausse du taux d’usure appliqué par la Banque de France. Bien que ce dernier ait été temporairement mensualisé, cela a contribué à la raréfaction du volume de crédit accordé.
La demande d’emprunt immobilier a fortement ralenti puisque les taux élevés ont engendré une baisse du pouvoir d’achat immobilier de 16,7 % depuis décembre 2022.
Bien que la capacité d’emprunt ait été artificiellement maintenue depuis 2019 grâce à l’allongement de la durée des crédits, cela ne se constate plus en 2023.
Les exigences du taux d’effort et de l’apport personnel, véritables coupables de la crise ?
Pour financer une acquisition, les établissements bancaires exigent :
- le respect d’un taux d’effort ou d’endettement de 33 % ;
- le versement d’un apport personnel.
L’apport personnel exigé n’a jamais été aussi élevé qu’actuellement. En moyenne 72 000 € sont nécessaires pour acquérir un bien au niveau national. Cela a engendré une baisse estimée à 190 000 acquisitions dans l’ancien entre 2019 et 2023. De très nombreux ménages voient leur projet immobilier échouer en raison de leur incapacité à fournir un apport suffisant.
Pourtant, augmenter son apport personnel, c’est la clé pour réduire :
- La nécessité de recourir à l’emprunt bancaire ;
- La durée du crédit immobilier ;
- Son taux.
Bien que les professionnels de l’immobilier plaident pour un assouplissement des règles d’octroi du crédit, cela n’a pas été suivi d’effet par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Ce dernier répondant que les établissements bancaires ne jouent pas le jeu en n’utilisant pas la dérogation permise au taux d’endettement.
En effet, pour 20 % des dossiers, les banques sont en mesure d’aller au-delà du taux d’endettement réglementaire pour atteindre 35 %. Dans les faits, seuls 13,8 % des dossiers en bénéficient.
Alexandre Lamarche – Groupe Serenity
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